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Nic.Stassen                                                                                    Kitega, le 22 Novembre 1918

Secrétaire à la Résidence de l’Urundi

KITEGA

Afrique orientale Allemagne

                           Ma chère Maman, mes chers frères et sœurs,

     Nous avons reçu hier de très bons communiqués nous donnant les conditions de l’armistice. Notre chère Belgique étant libérée vous pourrez maintenant recevoir de mes nouvelles.

      Je suis donc parti de Herve le 23 octobre 1914 et suis arrivé le même jour à Maestricht où je rencontrais Jean Piters, le lendemain 24 je partis pour Flessingues et le 5 pour Flokenstone. De là à Londres, Exeter, retour à Londres où je m’engageai le 7 novembre, le 12 j’arrivais au Centre d’instruction des Mitrailleurs à Autingues. Le 2 décembre je reçus la visite de mon cher frère Marcel qui me demanda des nouvelles de la famille. Le 9 janvier 1915 je fus nommé Caporal et le 6 mars sergent. Après bien des demandes je pus enfin partir pour le front le 14 août 1915 où j’arrivais le 15 à la 2^ème compagnie des mitrailleurs du 3^ème régiment de ligne lère Division d’armée.

     Vers la fin octobre je fis ma demande pour partir au Congo et pendant la nuit du 1 au 2 janvier 1916 on vint me dire pendant que j’étais aux tranchées que je partais pour le Congo. Mon rêve d’avant la guerre était enfin réalisé.

      Pendant mon séjour au front je rendis par deux fois visite à Marcel à l’hôpital Cabourg à Adinkerke.

      Après avoir quitté le front je me rendis au Centre d’instruction des mitrailleurs de Oriel-Sur-Mer où je devais faire un stage avant de partir pour la Colonie. De là je me rendis au Ministère des Colonies au Havre où je fus accepté pour la Colonie. Je me rendis alors à Londres pour y faire mon équipement, j’y restai pendant 10 jours, puis je me rendis en France à Fécamp chez Célestine où je restai pendant 5 jours, je rencontrai alors Marcel à Boulogne. Je m’embarquai à La Pallice le 3 février 1916 pour la Colonie. Pendant mon voyage j’ai visité Dakar, très belle ville.

     Le 23 février nous arrivions en face de Boma, où on me désigna immédiatement pour les Troupes de l’est. A Matadi j’ai rencontré Gustave Wadeleux j’ai passé deux jours chez lui. A Kinshassa j’ai rencontré Albert Paye qui m’a causé longuement de sa femme.

      Je suis parti de Léopoldville le 10 mars 1916 et suis arrivé le 1^er avril à Stanleyville après avoir traversé le fleuve Congo. J’ai alors commencé ce qu’on appelle la route de caravane. Nous étions 5 Européens pour faire ce voyage de 45 jours de Kindu à Kibati. Pendant les 8 premiers jours nous voyageâmes tous les 5 ensemble mais après nous ne fûmes plus que Maurice Bauwerling le meilleur ami que j’aie jamais rencontré dans ma vie et qui malheureusement est tombé en brave au combat de Kato le 3 juillet 1916. A notre arrivée à Kibati on nous désigna pour la Compagnie des Mitrailleurs du 4^ème régiment d’infanterie Coloniale.

      J’ai traversé tout le Rwanda, Lubengera, Nyanza (où j’ai vu le Roi Musinga, Roi du Rwanda) de la Kanyniya, Rugari, Keza, Biaramulo, Katoke où j’ai enfin rattrapé l’état Major de mon régiment. Le 3 juillet nous eûmes le combat de Kato où j’ai d’abord été cité à l’ordre du Jour des troupes de l’est, ensuite décoré de la Médaille d’or de l’ordre de l’Etoile Africain et de la Croix de guerre.

De là Nyamassina, Mariahilf, Saint Michael, Gorogwe où nous avons eu un petit combat et nous avons pris un canon de 10,5 aux boches. Ensuite la marche triomphale sur Tabora où nous avons eu avant d’arriver le combat d’Itaga.

     Le 19 septembre nous faisions notre entrée à Tabora. Le 23 septembre j’étais appelé au C.Q.G. pour y remplir les fonctions de dactylo. Le 6 décembre j’étais nommé Chef de l’escorte du Général Tombeur. Le 25 janvier 1917 départ de Tabora ; arrivé à Kigoma, Udjidji, Albertville. Ensuite suis désigné pour rejoindre le XVème bataillon dans le Rwanda, celui-ci avait une compagnie à Nyanza (chez le Roi Musinga). On m’y désigna j’y restai deux mois et de là on m’envoya à Kigali. Où on formait la 1^ère compagnie de marche du Rwanda pour marcher contre la colonne Neuman, malheureusement nous ne la vîmes jamais.

     Au mois de novembre, j’arrivais à Kitega pour me faire soigner ayant eu un peu de fièvre. A mon arrivée à Kitega on me dit que ma compagnie avait reçu l’ordre de rejoindre Kigali qui était à 15 jours de marche de l’endroit où nous nous trouvions. On me dit donc de rester à Kitega. Je restai pendant deux mois à la Compagnie de l’Urundi.

      Le 2 janvier 1918 vint un nouveau Résident qui me fit appeler et me demanda si je voulais être Secrétaire de la Résidence, ce que j’acceptai bien volontiers.

      Depuis cette date, je suis toujours resté à La Résidence.

      Le 3 janvier 1918 je fus décoré devant le front des troupes par le Lieutenant Colonel Stevens.

      Le 21 juillet 1918 nous eûmes de grandes fêtes à Kitega, tous les chefs de l’Urundi étaient réunis et il y avait plus de 20.000 indigènes. Alors nous eûmes la visite de Monsieur le Commissaire Royal. Très belles journées aussi.

      J’ai appris ici par la voie des journaux la Mort de notre cher Père, qui m’a fait énormément de peine et qui a encore augmenté ma haine contre les boches de nous avoir tous séparés.

      Je voudrais que vous me donniez un peu des nouvelles sur les événements qui se sont passés pendant mon départ.

      J’ai appris par Marcel que Joseph était marié et qu’il avait un petit bébé. Je voudrais beaucoup que l’on m’envoie une photo de ma chère belle-sœur (que je ne connais pas).

      Notre chère Hortense serait fiancée à ce qu’il paraît avec qui ? Et notre chère Louise institutrice ? Enfin donnez-moi beaucoup beaucoup de nouvelles.

      Que sont devenues toutes les gentilles demoiselles de Herve. Je n’en ai jamais entendu causer non plus.

       Je ne crois pas que je rentrerai avant 1920-21, 1) par amour-propre, 2) parce que énormément d’agents beaucoup plus anciens que moi demandent à rentrer et que la Patrie a besoin d’agents ici. Puisque je suis bien resté pendant un an sans ne plus faire la guerre ici en Afrique. Je ne peux pas quitter au moment où on a tant besoin de monde. Mais je vous promets que pour le 1^er mai 1920 je serai en Belgique ; j’aurai alors 4 ans de service effectif.

       Je me porte à merveille, je n’ai jamais eu qu’un accès de fièvre depuis que je suis ici. J’ose espérer qu’il en est de même pour toute la famille. J’espère que Maman marche maintenant. Enfin je vous en supplie encore, le plus de nouvelles possible. Et tout le monde doit y mettre son mot.

       Compliments à toutes les connaissances.

       Recevez tous mes meilleurs baisers.

                                                             (signé :)     Nstassen

(ajouté à la main )

 N’oubliez pas de faire mes compliments à la famille Roland de Montegnée